Les soirée d’hiver sont propices aux longues discussions au coin du feu. Et lorsque l’on réuni quelques amis pour le réveillon de Noël, il n’y a pas forcément que les bûches qui s’enflamment. En cette fin de soirée bien arrosée, alors que chacun se livre à ses activités favorites – Archibald fume voluptueusement sa pipe, Tintin feuillète des journaux et les Dupondt fouillent leurs poches à la recherche de leur portefeuille – le conversation roule sur nos sujets favoris. Comme par exemple l’audiophilie et le matériel audio. On parle de tout et de rien et à un moment arrive le jeu un peu stupide de trouver le matériel audio le plus ancien encore en production.
«Facile s’exclame alors Séraphin Lampion (mais qui l’a invité?), c’est la Linn LP12». Cela provoque immédiatement l’hilarité générale, voire même quelque commentaires désobligeants. Certes, cette platine est sortie en 1972 dans les conditions troubles que l’on sait, mais que reste t’il de nos jours de l’Ariston d’origine ? Pas grand chose sans doute.
«Tout cela me donne soif» s’exclame alors Archibald, et de se diriger derechef vers le cave à la recherche de quelque chose à boire.
C’est pendant ce temps que Dupont propose : «Nul doute que le Denon DL-103 est le composant le plus ancien en production». Et Dupond de surenchérir « Je dirais même plus, c’est la DL103 qui est en production depuis plus longtemps.» Le fait est que la version originale de cette cellule toujours en production a survécu à toutes ses versions améliorées 103s 103d…Et la conversation d’embrayer sur la comparaison de toutes ces versions, les avantages des différentes tailles de diamants et autres sujets brûlants.
C’est ce moment que choisi Archibald pour émerger de la cave. «Devinez ce que j’ai trouvé ? » Compte tenu de la richesse de la cave des frères Loiseau, on imagine que c’est une question toute rhétorique. «Une paire d’enceintes vintages large bande», déclame t’il. Devant notre air consterné, il s’empresse d’ajouter «Non je plaisante, une bouteille de Port Ellen 1979!» montrant la bouteille de whisky qu’il cachait derrière son dos.
Pendant qu’Archibald se dirige vers le bar pour trouver des verres à whisky, Nestor intervient : «Si ces messieurs veulent bien me permettre d’intervenir, mais il me semble que le McIntosh MC275 est encore plus ancien que la cellule Denon puisque sortie en 1961». On ne saurait dire si le murmure approbateur de notre petit commité salue l’intervention de Nestor ou la première gorgée du nectar fraichement remonté de la cave.
Sous l’effet d’un single malt, Archibald retrouve sa légendaire vivacité d’esprit et intervient enfin. «Il y a plus ancien que le McInstosh». Nous sommes suspendus à ses lèvres et aussi il faut bien le dire aussi au goulot de la bouteille – mais qu’attend t’il pour nous resservir ? Afin d’accélérer le mouvement nous faisons des propositions: La SPU ? Non il n’en reste que le nom. Mais Archibal reprend : «Le plus ancien appareil audio encore en production est le Neumann U67.» L’assemblée est confondue devant tant de science. À peine moins mythique que le U47 dont la production devenait problématique du fait de l’arrêt du tube VF14 par Telefunken, le U67 est un lui aussi un jalon de l’histoire audio depuis 1960 (1).
«Mais mon cher capitaine Karapoc, tu n’y est pas du tout, il y a bien plus ancien que la U67» intervient alors Bianca. Il n’en faut pas plus pour qu’Archibald s’étrangle avec son whisky sans que l’on sache si cela est du à la familiarité soudaine de la Castafiore, à son nom écorché ou au fait d’être contredit. Mais Bianca de continuer. «Je me souviens qu’en 1951, je faisais une tournée épuisante aux États-Unis. J’avais également un engagement pour un enregistrement des meilleures aria de Gounod dans les studios de la CBS sur la trentième rue à New-York. Malheureusement, épuisée par la tournée, ma voix n’était pas à son meilleur niveau. Mais l’ingénieur du son me rassura en me disant qu’il pouvait faire quelque correction sur le timbre avec un nouvel appareil qu’il venait d’acquérir, un Pultec EQP-1a. Et bien figurez vous que dans tous les studios que je continue de fréquenter, le Pultec est toujours présent. Cette démonstration fut suivi d’un bref silence puis d’applaudissement. Comme auraient pu dire nos amis anglais fort à propos, c’est fini quand la grosse dame à fini de chanter.
Et oui, que répliquer à cela, sinon parler un peu plus de l’engin. Créé en 1951 par Gene Shank et Ollie Summerland, le Pultec EQP-1a acquis très rapidement un aura quasi mythique. En fait, ce sont les défauts du Pultec qui lui donneront cette dimension. C’est un des premiers égaliseurs à compenser les pertes d’insertion par une amplification. Or cette amplification n’est pas réellement neutre. Même sans égalisation, elle et réchauffe le son et en améliore la présence. De même, dans le grave, les courbes de gain et d’atténuation ne sont pas strictement identiques. L’application, contrintuitive du gain et de l’atténuation sur la même fréquence produit un effet très recherché. Utilisé tant en enregistrement qu’en mastering, on peut affirmer sans risque que tout le monde a déjà entendu le son du Pultec, sauf peut-être les Arumbaya et les Sentinelles. Mais pour ces tribus, c’est uniquement parce qu’elles n’ont jamais entendu de musique enregistrée. Les mots Pultec, EQP et l’inimitable bleu de sa façade sont devenus iconiques.
En conséquence, le Pultec détient un autre record celui de copies, plus ou moins fidèles, ou même sous forme de plug-in qui ont existé et existent encore. Tout les fabricants d’audio pro, en particulier les spécialistes du tube, ont produit ou produisent encore des clones.

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