Au moment du boum de la haute-fidélité au début des années 1970, on a vu fleurir bon nombre d’accessoires inutiles. On a déjà parlé des égaliseurs, mais dans le sillage de la quadriphonie, on trouvera pléthore de processeurs d’ambiance et autres manipulateurs de dynamique. L’inutilité de ces accessoires sera encore plus évidente quand les audiophiles puristes feront entendre leur voix pour réclamer l’abolition de tous ces gadgets (1). Quand on milite pour la suppression des contrôles de tonalité et de choix de mode et même quelquefois de réglage de balance, les accessoires manipulant l’essence même du signal deviennent totalement hérétiques.
Mais un regard sur ces objets insolites de la haute-fidélité est toujours instructif même si dans ce cas ce n’est pas de la cave que nous allons ressortir un de ces objets (nous y reviendrons). Ce que nous allons examiner aujourd’hui est un «reverberation amplifier »(sic) Pioneer SR-202W.
La réverbération est un élément essentiel de la musique enregistrée, ce n’est pas Amar Bose qui nous dira le contraire. Maintenant souvent produite par des processus numériques, elle fut (et est toujours) utilisée dans les studios d’enregistrement par des moyens divers, depuis la cage d’escalier ou la réserve de la femme de ménage jusqu’à de réels appareils spécifiques comme les fameuses EMT 140 et 240. Parmi les moyens électromécaniques pour créer de la réverbération, le plus économique (parce que le plus simple et le moins encombrant) est la réverbération à ressort. Ces qualités en font le moyen le plus utilisé notamment dans les amplis de guitare.
Voir cet appareil faire une intrusion dans un équipement de salon reste un mystère pour l’audiophile du XXIe siècle. Mais dans les années 70, Sansui proposa les RA-500/700 et Kenwood incorpora une réverbération à ressort au très désirable ampli-tuner KR-6170 « jumbo ». Mais le plus persévérant et le plus prolifique fut Pioneer qui proposa les SR-101 à tubes, SR-202, SR-303 (adapté esthétiquement à la période fluoscan) et SR-60. Une réverbération à ressort fut aussi incorporée dans l’ampli tuner SX-9000. Notre SR-202W est la continuation de la SR-202 avec un coffret en bois. Elle est restée disponible jusqu’en 1977.
Que dire de cet appareil ? Eh bien pour une écoute domestique, rien de bien. Passé le premier quart d’heure de franche rigolade où l’on se plaît à essayer différents disques pour s’amuser de l’effet créé, on aspire à retrouver la normalité. Il faut dire que la SR-202W souffre d’un problème majeur : l’absence de réglage du niveau de réverbération. Si on peut bien régler la durée de la réverbération, on ne peut pas régler le rapport son pur/ effet (dry/wet en langage courant) ce qui est quand même gênant.
On sera également un peu déçu par l’affichage psychédélique vert. Il s’agit d’un simple dispositif mécanique qui fait se croiser deux lames triangulaires de plexiglas. Tant qu’à avoir un tel dispositif, une simple échelle numérique aurait été plus simple pour retrouver un réglage puisque la molette n’est pas graduée.
Tant d’efforts et de persévérance de la part de Pioneer pour un résultat aussi inutile et pitoyable mérite une récompense. Cela tombe bien nous avons un trophée pour cela : un magnifique TTAward, la version en coffret (faux) bois bien entendu.
Mais l’histoire n’est pas totalement finie. Avec un tel niveau d’une coloration très particulière, cet engin ne devait pas tomber dans l’oreille d’un sourd (je ne parle pas de moi, je suis seulement un peu dur d’oreille). Le producteur Tom Elmhirst avoue aimer le Pionner et l’utiliser couramment dans ses mix, y compris sur des succès planétaires comme Rolling In The Deep d’Adele. Il n’en fallait pas plus pour relancer l’intérêt des professionnels de l’audio pour un appareil domestique vieux d’un demi siècle. C’est d’ailleurs du studio de Moulinsart que nous avons extrait notre exemplaire. Il faut dire qu’avec une console, il est bien plus aisé de gérer le retour d’insert par rapport au signal initial. Pour cela, on utilisera une seule des entrées et la sortie de l’autre canal. Cela permet de n’avoir que le son réverbéré de la piste à ajouter au mix. Pour finir, toutes les reverbs à ressort ne sont pas aussi caricaturales que celles de ces engins grand public ou des amplis de guitare. La fort réputée AKG BX20 par exemple produit un son beaucoup plus subtil.
(1) On parle là bien sûr de « gadget » sur le trajet du signal. Parce qu’en terme d’accessoires non électroniques, l’audiophilie n’en manque pas.