Le progrès technologique agit considérablement sur nos habitudes de consommation. Quand ces progrès apportent un avantage pour l’utilisateur, le retour en arrière est difficile. Par exemple, il est pénible, voire masochiste, de regarder un programme audiovisuel sur une vieille télévision de 60 cm de diagonale dont la définition de 768×576 pixels fait pâle figure devant les 3840×2160 pixels qui s’étalent sur les 160cm de diagonale d’un téléviseur moderne. Sans parler du supplice visuel et auditif de la cassette VHS comparée à un blu-ray ou à NetFlix. Mais dans le domaine de l’audio, a-t-on vu de tels progrès ? Sans doute pas et on peut éprouver un grand plaisir à l’écoute d’un vinyle sur une bonne chaîne des années 60 ou 70.
Le marché de la hifi vintage est donc très actif, porté en outre par des produits dont l’esthétique, la qualité de fabrication et le degré de réparabilité sont en général élevés. Cet engouement ne pouvait être ignoré par Hollywood à la recherche des moindres niches de public.
L’audiophile découvre donc sur les écrans la nouvelle série Vinyl créée par Martin Scorcese et Mick Jagger. On y raconte les affres d’une maison de disques en passe d’être rachetée par la multinationale Polygram. Pour cette série, HBO a mis les petits (écrans) plats dans les grands. Le casting est impeccable avec notamment Bobby « Rosetti » Cannavale, Paul « Spiros » Ben-Victor, Olivia Wilde, Juno Temple…Compte tenu du thème de l’intrigue, la bande son est assez soignée et va de Bo Diddley au début du disco et du punk. On a même droit à un tribute band des New York Dolls qui fait une reprise de Personality Crisis qui casse littéralement la baraque. Des scènes de pure rock’n’roll attitude alternent avec des scènes de dialogue assez hilarantes comme la négociation avec Polygram dans une salle ornée de trophées de chasse dont (!) un immense portrait de Karajan ou encore la sortie germanophobe de Peter Grant le manager de Led Zeppelin. Certes le pilote a quelques longueurs et introduit une intrigue policière (un meurtre) sans réel intérêt. On peut aussi reprocher un excès de name dropping . Mais ces faiblesses sont à relativiser car tous ces événements ne sont en fait qu’un prétexte à un joli déballage de matériel. La chef décoratrice Ellen Christiansen – déjà vu avec Scorcese sur Le Loup de Wall Street – crée des décors assez chargés mais les matériels retenus ont tous une élégance de bon aloi, même si on relève quelques anachronismes. Laissons nous aller nous aussi au name dropping et signalons que l’on découvrira des Pioneer SA et TX 9100, Marantz 1150 et Phase Linear 4000 et 400.
S’agissant de maison de disques, l’écoute de maquettes est une activité constante et on dispose de toute une panoplie de magnétocassettes: Technics RS-263US, Nakamichi 700, Pioneer CT-F1000 et un superbe Marantz 5420.
On ne néglige pas pour autant l’écoute des bandes à l’aide des Teac A4300SX et 6300 et des Pioneer RT-707 et RT-1020
Enfin comme le nom de la série le suggère, il y a bien sûr des tourne-disques. On découvrira les débuts du DJing avec l’ancêtre de la SL-1200, la SL-1100. Mais surtout, on découvre un usage inédit de la Thorens TD124, pour ceux qui sont agiles du nez (les autres pourront toujours arrêter le plateau!).
Bref, tout cela forme un agréable divertissement télévisuel que vous pouvez regarder… …mais de préférence sur un écran moderne.
Pour aller plus loin : La série est diffusée sur HBO et OCS en France. Cet article est basé sur le pilote de la série, un épisode d’1h50 réalisé par Scorcese lui-même. On trouvera une critique très élogieuse sur le blog de Pierre Sérisier du Monde et une autre beaucoup moins amène sur le site du Guardian.