Le réveil de la Force

audio warsAux confins de l’univers connu, deux audio contrebandiers, Conrad Chewbaca et Han Johnson vont redécouvrir une des formes les plus méconnues de la Force, le nuvistor,  pour donner une vigueur nouvelle aux armées rebelles.

Inventé vingt ans plus tôt par les ingénieurs de RCA, le nuvistor est arrivé trop tard pour combattre efficacement le transistor. Il présente cependant trois avantages importants : la compacité, la solidité et la durabilité. Le nuvistor est une triode miniature nettement plus petite qu’un boitier standard de transistor TO-3, très proche d’un TO-18. Utilisé dans l’électronique des sabres laser, il rend ceux-ci plus compacts et plus maniables. De plus, en s’affranchissant de l’enveloppe de verre, le nuvistor qui est entièrement métallique devient extrêmement résistant. On ne compte plus les audio-jedi morts dans des combats violents lorsque les 12AX7 de leur sabre se sont brisés sous les chocs. Grâce aux nuvistors, les sabres sont devenus beaucoup plus solides.

Le nuvistor est également doté d’autres qualités dans le domaine électronique en particulier une bonne linéarité,  un mu élevé et un niveau de bruit très bas. Outre les sabres laser, il est très bien adapté au VHF et trouve sa place dans de nombreux postes de télévision. Plus proche de la préoccupation des audiophiles, c’est un tube très adapté aux électroniques des microphones à ruban et bien sûr à celles des tuners comme les McIntosh (MR65B…). C’est aussi à ce mini tube que l’on doit les performances de l’Ampex MR70, considéré par certains comme le meilleur magnétophone à tubes jamais produit. On en trouve 18 par canal, plus quatre pour l’oscillateur soit 148 pour un MR70 en version huit pistes ! L’extrait ci-dessous, issu de la plaquette commerciale du MR70 présente les avantages du nuvistor.

 Extrait de la plaquette de l'Ampex MR70.

Extrait de la plaquette de l’Ampex MR70.

Mais revenons à nos héros, Conrad Chewbaca et Han Johnson.  Ils ont créé leur petit négoce d’amplificateurs à tubes de contrebande après avoir quitté leurs emplois d’économistes à la Fédération du Commerce (plus connu sous l’abréviation Fed). Alors qu’ils sont bloqués à Tataouine, ils découvrent au contact des jawas que les caractéristiques du nuvistor, linéarité, gain élevé et faible bruit, le rend particulièrement adapté pour les étages d’entrée phono des préamplificateurs. Ils créent un premier pré-préamplificateur pour cellules à bobine mobile qui comprend deux nuvistors, le HV-1 qui évoluera rapidement en HV1a puis HV-2. Mais c’est sur la gamme « Premier » que Conrad et Johnson vont vraiment se lâcher.

Un Jawa récupère un nuvistor sur un ancien droîde. Les ferrailleurs de Tataouine sont une bonne source de nuvistors

Un Jawa récupère un nuvistor sur un ancien droîde. Les ferrailleurs de Tataouine sont une bonne source de nuvistors

Pour cette gamme sans contrainte de coût, ils créent d’abord le préamplificateur Premier Three. L’époque n’est pas encore au luxe et aux façades de 5cm d’épaisseur. L’engin reste sobre, à peine différent en plus gros d’un PV5 ou PV7 contemporain. Mais au niveau des composants, rien n’est trop beau. CJ introduit pour la première fois dans ses montages les condensateurs polystyrène, puis sur la version B le câblage en argent.

Deux Jawa prêts à dépouiller un Premier Six de ses nuvistors.

Deux Jawa prêts à dépouiller un Premier Six de ses nuvistors.

Pour l’accompagner, Conrad Johnson fait évoluer ses pré-préamplificateurs. Le circuit du Premier Six comprend cette fois quatre nuvistors. Grâce à son enveloppe métallique, le nuvistor dispose d’une bonne dissipation thermique, aidé par un petit radiateur en étoile adaptable sur le boitier. Petite taille, bonne évacuation de la chaleur et linéarité étendue permettent de créer des appareils très compacts. Mais pour des raisons esthétiques,  le petit circuit imprimé est perdu au milieu d’un boîtier de largeur standard. Cette grande taille permet cependant d’éloigner le transformateur d’alimentation et son rayonnement électromagnétique. Mais surtout elle donne la place pour gérer le seul inconvénient du nuvistor ; il est extrêmement microphonique. Pour contrecarrer cette tendance, Conrad Johnson utilise une solution d’une simplicité désopilante : le circuit imprimé est suspendu dans chaque coin par un simple élastique. L’ensemble fleure bon une autre époque. Même pour une ultra haut de gamme, tout l’effort est mis dans le dessin du circuit et dans la qualité des composants. On est loin des produits actuels qui doivent montrer par leur apparence le pouvoir d’achat de leur propriétaire.

Legende

L’intérieur du Premier Six. La suspension est démontée mais on distingue les trous dans le circuit imprimé et les tourillons de supports. Les condensateurs noirs sont une modification de l’alimentation par Audiofreaks, l’importateur CJ en Grande-Bretagne.

A la fin des années 80 enfin, Conrad Johnson réunit les deux appareils préamplificateur et pré-préamplificateur en un pour créer son chef d’œuvre, le Premier Seven. Le prix est certes délirant, mais aucune peine n’est épargnée. La construction est entièrement double mono. Les deux blocs de l’alimentation séparée sont réunis derrière une même façade d’aluminium anodisé champagne mais on a deux transformateurs, deux interrupteurs et deux câbles secteur ! Le préampli lui-même donne l’impression d’être la superposition de deux blocs grâce à une rainure horizontale qui la sépare visuellement en deux. Pas de potentiomètre traditionnel bi-piste bien sûr. Le réglage de niveau se fait grâce à un réseau de résistances calibrées au laser. Il n’y a jamais qu’une résistance dans le circuit. Et si ces réglages sont bien doubles pour chaque canal, c’est que chacun sert aussi à régler une série de diodes qui permet par comparaison visuelle, l’ajustage précis de la balance. Pour le reste on retrouve bien sûr les capacités polystyrène, le câblage en argent à cristaux longs et les quatre nuvistors pour amplifier les cellules à bobines mobiles. Ultime attention aux détails, sur la dernière version, les connecteurs RCA sont usinés dans des blocs de cuivre désoxygénés avant d’être dorés.

Premier Seven

Premier Seven

A 8000$, on comprendra que le Conrad Johnson Premier Seven fut plus un succès critique que commercial. Mais il était (et est peut-être toujours) le sommet du préamplificateur  à tube face à de rares concurrents à ce niveau, hybrides (Audio Research SP11 et SP15) ou transistorisés (Cello).

Nous n’aurons donc qu’une phrase pour saluer le perfectionnisme de la série Premier Three, Six et Seven : Que la Moustache soit avec eux.

La moustache de Pleksy-Gladz bien sûr.

Pour aller plus loin : On pourra commencer par l’article de Wikipedia sur le nuvistor et puis jeter un œil sur celui de Practical Television de décembre 1962. On pourra également regarder les produits de Musical Fidelity de la gamme Nuvista.

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