Une jeune demoiselle me demandait récemment : « Dis moi oncle Tryphon, c’est quoi la haute-fidélité ? » Bien qu’apparemment naïve, c’est une très bonne question. Il y a bien sûr dans cette expression un sous-entendu universellement compris : Haute fidélité s’entend dans le sens haute fidélité dans la reproduction des sons. Mais examinons de plus près ce que recouvre ces mots.
Le Larouse nous donne de reproduction la définition suivante : Action de reproduire un texte, une illustration, des sons : imitation fidèle. On voit tout de suite que cette définition pose deux concepts importants : la notion de modèle, de référence et celui de fidélité. Il ne s’agit donc pas tant de copier un original, au sens où la copie d’un CD ne peut pas être différentiée de l’original, que de retranscrire une expérience sensorielle. On voit bien la dualité du son, à la fois phénomène physique de variation de pression de l’air mais également perception par un sujet, avec ce que cela implique d’émotion (à proprement parler de subjectivité). Cette dualité objectif/subjectif dans la notion de reproduction fidèle peut se voir sur une expérience très simple : une restitution même très dégradée d’une chanson sera immédiatement reconnue par un logiciel comme Shazam, alors que la réinterprétation live qui nous émouvra sera complétement ignorée par le même logiciel.
Notons également que reproduction a aussi le sens d’après Larousse de fonction par laquelle les êtres vivants perpétuent leur espèce. Il est évident que ces deux définitions sont liées. Il suffit pour s’en convaincre de voir l’effet en boite de nuit des sessions de slow. En ce sens, nous sommes fiers et enthousiastes à Tryphonblog de contribuer par notre travail sur l’audio à la préservation de la race humaine.
Mais nous nous égarons. Revenons à la notion de référence. Ce n’est pas une question triviale. Pour nos ancêtres, cette notion de référence était simple. L’expérience sonore était un événement précis et dans le cas de la musique, il n’y avait que deux positions possibles : soit interprète, soit auditeur du concert. Cette notion est devenue plus complexe avec l’invention de l’enregistrement sonore. L’expérience sonore à reproduire est elle celle d’un concert, d’un musicien dans le studio d’enregistrement, du producteur écoutant à la console son mix final ou de l’ingénieur du son pendant le mastering ? On voit donc que pour la musique comme dans beaucoup d’art, le media en lui-même (pour faire simple dans notre cas, l’enregistrement sonore stéréophonique) est devenu un composant en lui-même du processus créatif.
On doit au pianiste canadien Glenn Gould d’avoir beaucoup réfléchi sur le fait que l’enregistrement sonore devienne la véritable œuvre « originale ». On sait qu’en accord avec cette théorie, il abandonna définitivement les concerts publics en 1964 à seulement 31 ans. Gould mêla la pratique à la théorie puisque qu’il expérimenta et utilisa les possibilités des studios d’enregistrement et notamment l’édition des bandes magnétiques (1). Sur ce sujet, on lira avec curiosité l’article que Gould écrivit dans High Fidelity Magazine (2) .
Gould enregistra deux fois les Variations Goldberg de Jean Sébastien Bach en studio (3). Le point commun de ces enregistrements est de provenir du même studio Columbia de la 30e rue à New-York. Pour le reste, tout diffère.
En 1955, Glen Gould est un jeune pianiste de 22 ans qui a à peine enregistré quelques disques sur un obscur label canadien. Columbia lui donne pourtant carte blanche tant sur le programme que sur les conditions, jusqu’à faire venir du Canada le piano personnel de Gould. La performance de Gould est celle d’un virtuose survolté, avec un tempo d’une rapidité extrême. L’affaire est expédiée en moins de 39 minutes (Gould omet un bon nombre des reprises). Des dizaines de miliers d’exemplaire de cet album seront vendu des les premières années, succès rare pour un enregistrement classique.
25 ans plus tard, la technologie a évolué avec l’apparition de la stéréophonie et du l’enregistrement numérique. Glenn Gould aussi a évolué. Il n’a plus à prouver sa virtuosité et défend une approche plus réfléchie de la partition. Il enregistre de nouveau les Variations en 1981. Cette fois la partition est joué (presque) intégralement, le tempo est plus lent et les ornements beaucoup plus intellectualisés. C’est un des derniers enregistrements de Glenn Gould qui mourra un an plus tard à seulement 50 ans.
On est déja très loin avec ces deux enregistrements très travaillés d’une quelconque référence au concert, sans même parlé de la « référence » ultime que serait la partition de Bach d’ailleur écrite pour un autre instrument que le piano, le clavecin.
Plus étonnant encore, il existe un autre album qui pose la question de la nature de la référence et des moyens de la reproduire. En 2007, la firme Zenph Studio met au point un procédé d’analyse des interprétations très élaboré qui cherche à déterminer quand, comment, avec quelle force, quelle vitesse, quel enfoncement et avec quel effet de pédale les notes sont jouées. Cette analyse est ensuite interprétée – tant au sens informatique et que musical du terme – par un automate intégré à un piano spécialement équipé ! Et c’est l’interprétation des Variations par Gould de 1955 qui fera l’objet du premier enregistrement réalisé par le procédé Zenph.
Pour le soixantième anniversaire du contrat entre Columbia et Glenn Gould, Sony réédite un coffret de l’intégrale des enregistrements Columbia/CBS/Sony de Glenn Gould, y compris bien entendu les différentes versions des Variation Goldberg. Sony réédite également en vinyle de haute qualité les enregistrements de 1955 et 1981.
Ah au fait, après quelque tentatives d’explications amphigouriques la jeune demoiselle, qui apprend l’anglais au collège, de s’exclamer « À mais la haute fidélité c’est la hifi – high-fidelity – , tu pouvais pas le dire simplement ? »
Conseil de dégustation :
Une fois n’est pas coutume, nous ne conseillerons pas un tourne-disques, fut-il de marque Sony, pour les Variation Goldberg mais nous adopterons une démarche plus radicale.
En effet, Zenph Studio a été racheté par Steinway & Sons et la technologie est maintenant intégrée à la gamme Steinway Spirio. C’est la voie qu’il faut privilégier.
L’achat du Spirio intègre un ensemble de services dont quatre visites de maintenances par an et l’accès au catalogue des enregistrements analysés par le procédé Zenph, qui outre Gould comprend aussi Rachmaninoff et Art Tatum. Cet appareil pourra désorienté l’audiophile. En effet malgré les 88 touches en façade, le Spirio ne dispose même pas de réglage de balance, ni de correcteur graves et aiguës. Le réglage de volume est très frustre, sur deux niveaux seulement commandé par une pédale. Malgré cette absence de réglage, le Spirio donne vraiment l’impression d’avoir un piano de concert, à la fois auditivement et visuellement et cela, quelque soit la pièce à sonoriser. Sidérant. Certes, le prix de 100000$ peut paraître élevé mais il faut évidement prendre en considération que la télécommande à base d’ipad est offerte.

On mets quelquefois de jolies jeunes femmes pour vendre tout et n’importe quoi. Quand c’est Héléne Grimaud pour Steinway, c’est tout à fait justifié.
Pour aller plus loin : Mais alors beaucoup, beaucoup plus loin… les variations à l’accordéon ! On consultera par curiosité, et pour passer commande éventuellement le site Steinway Spirio. Enfin, pour une version plus « authentique » des Variations au clavecin on regardera du coté de Gustav Leonhardt et de Scott Ross.
(1) Pour son premier enregistrement pour la radio canadienne CBC le 24 décembre 1950, Gould joua sur un piano trop lourd en grave à son goût. Il découvrit qu’avec un égalisation appropriée lors de la diffusion, il pouvait obtenir le son désiré. Ce fut une révélation et le début d’une grande implication dans les aspects techniques de la reproduction musicale. On peut penser aussi que ce désagrément lui fit privilégier par la suite l’utilisation de ses propres pianos…
(2) On a du mal à imaginer les magazines hifi actuels, condensés de publi-reportages, avoir de tels contributeurs !
(3)Il existe aussi deux autres versions hors studio, un concert pour la radio canadienne CBC de 1954 et un live enregistré à Salzbourg en 1959.
Par les temps qui courent le prix du Spirio n’est pas si déraisonnable que ça si on inclut les économies réalisées sur les câbles qu’un système classique nécessite
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Ce n’est pas faux.
Reste la question du câble secteur. Question que je me suis empressé de poser au support de chez Crystal (voir ci-dessous) , malheureusement sans réponse pour le moment.
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From : tryphon@tryphonblog.com
To : technicalsupport@internationalaudioholding.com
Dear sir,
I am a long standing customer of your products, mainly interconnects, through the trusty advices of Audio Presence shop in Paris (but I live in a relatively remote area of the country). I recently bought a Steinway Spirio and I am wondering if it could be worthwhile to power it with one of your power cable?(and if yes which one).
Due to the relatively exotic nature of the spirio, Audio Presence, was not able to help.
Thank you for your help
Best regards
Tryphon
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