Choisir en haute-fidélité : Quatre recettes de bons mariages dont un enterrement

L’intérieur de l’église Saint-Altec du Bon Son

S’il est un sujet que doit affronter le chroniqueur hifi, et quelquefois l’amateur éclairé, c’est la question du choix du matériel haute-fidélité. Sous prétexte de votre prétendue connaissance du domaine, un lecteur, un proche ou même une simple relation, vous demandera un conseil ou un avis. Non qu’il faille d’ailleurs s’attendre à ce qu’on tienne le moindre compte de cet avis. Bien évidemment, cela ne concerne pas le lecteur attentif de Tryphonblog qui sait trouver dans nos chroniques suffisamment d’éléments pour l’orienter dans ses choix.

Mais il n’est pas inutile de faire un point sur le sujet, ne serait-ce que pour aider ces mêmes lecteurs fidèles à répondre eux-mêmes aux sollicitations. Nous allons donc dans la suite de cet article donner les meilleures méthodes pour choisir tout ou partie de sa chaîne haute-fidélité. Nous détaillerons ces méthodes en commençant par la plus efficace et donc notre préférée pour finir par celle dont la mise en œuvre est fastidieuse et donne des résultats pour le moins aléatoires.

1 : Herr Gott, dich loben wir (BWV 16)

Les fidèles en prière tandis que le prêtre oint les Appareils Saints

Le moyen le plus sûr de choisir… c’est d’avoir des certitudes  et de ne pas faire de choix. Ce que dans un autre contexte on appellera la foi, est un moyen puissant d’apprécier immédiatement les appareils qui s’offrent (1) à vous. Et plus l’église de son cœur sera ésotérique (2), plus le sentiment d’appartenance à un cercle d’initiés procurera de satisfactions, y compris auditive. Dans ce domaine, les chapelles sont nombreuses et en général fort peu œcuméniques. Si certaines doctrines sont assez grand public, d’autres tiennent plus de la secte. D’ailleurs, au regard des tarifs pratiqués dans la haute-fidélité, on retrouve cette tendance des sectes à mettre la main sur votre portefeuille…

À l’écoute d’un disque audiophile méconnu dans l’atmosphère mystique d’un auditorium où rien ne lui est familier, et surtout pas l’acoustique,  l’amateur aura la révélation qui, l’amènera à transcender la technique pour arriver à la Musique (3).

On conseillera donc à l’impétrant audiophile de fréquenter assidument les différents auditoriums, salons, foires et connaissances audiophiles en espérant, Loué soit le Très Haut (rendement),  être un jour frappé par la foi tel Paul Claudel (4) à la messe de Noël de Notre-Dame .

Quelques repères :

  • Catholique traditionaliste
    Pape : Jean 1er Hiraga
    Marques : Western Electric, Onken, JC(!) Verdier
    Lieu de culte : la maison de l’audiophile
    Livres sacrés : La revue L’Audiophile, Vaccum Tube Valley
  • Méthodiste
    Prédicateur : Amir Majidimehr
    Lieu de culte : audiosciencereview.com
    Livre sacré : The Audio Critic
  • Shindoiste
    Guji : Ken Shindo
    Marques : Thöress, Auditorium 23, Shindo laboratories
  • Grand extrême orient
    Vénérable maître : Hiroyasu Kondo 
    Marques : Audio Note
  • Église des Saints des Derniers Tubes
    Prophète : William Zane Johnson
    Marques : Audio Research,  Magneplan
    Lieu de culte : Château de Marrault
    Livre sacrée : The Absolute Sound
  • Anglican 
    Marques : Rogers, Ratford, Garrard, Spendor, Harbeth
    Lieu de culte : les studio de la BBC
  • Église réformée d’Angleterre
    Archibishop : Paul Messenger, Ken Kessler
    Marques : Linn, Naim
    Lieu de culte ; Audio Synthèse, Paris XIIe
    Livre sacré : Hifi News and Records Review
  • Raëlien
    Gourou : Weber Rehde
    Marque : Rehdeko
    Lieu de culte : 34, rue des cerisiers, Bavans

Hélas, pour les vils mortels qui n’auront pas été frappés par le Son-Esprit, la muse Euterpe ne saurait intercéder pour eux et il leur faudra se tourner vers d’autres voies pour trouver le Graal.

2: Wie schön leuchtet der Morgenstern (BWV 1)

A défaut de religion, on se tournera donc vers la philosophie, autre activité de l’esprit qui aspire à l’élévation de l’âme. Toutes les disciplines ne se valent pas dans ce domaine et on évitera absolument de verser dans le stoïcisme, le scepticisme ou de porter trop d’attention à Platon. Par contre les Épicure, Démocrite ou Héraclite seront vos inspirateurs et plus généralement tout ce qui se rapporte à l’Épicurisme, l’Hédonisme voire au Matérialisme pourra vous aider.  Pour parler plus simplement, on choisira sa chaîne hifi sur la base de l’esthétique ou du statut social que l’objet représente.

L’avantage principal de cette méthode est qu’elle permet à l’audiophile d’obtenir une satisfaction immédiate dès le déballage de l’objet. Et ce, indépendamment de toute écoute et toute préférence musicale. Cette façon de choisir ses éléments hifi représente donc la meilleure alternative pour ceux qui n’ont pas la foi. Malheureusement, elle-même n’est pas sans défaut, le principal étant que les goûts – et les modes – évoluent et que la satisfaction peut n’être que passagère. En outre, le prix des appareils des grandes marques de l’audio high-end, réserve cette méthode elle aussi  à ceux disposant d’une certaine aisance financière pour ne pas dire une aisance certaine.

Quelques repères :

  • Classique et de bon gout : Accuphase, McInstosh
  • Moderne : Mark Levinson, Focal Utopia
  • Bling bling : Dan d’Agostino
  • Contemporain : B&W Nautilus
  • Techno : Clearaudio, Krell
  • Baroque : Oswalds Mills Audio (OMA)
  • Design : non Bang & Olufsen ne produit plus de hifi depuis les années 1980
  • Pro : JBL Synthesis, Bryston

On évitera si possible de trop se pencher sur Francis Bacon, Thomas Boyle et autres empiristes. Si par mégarde on se sentait une inclinaison vers cette doctrine, il ne vous restera plus qu’à vous tourner  vers le dernier chapitre de cet article.

3 : Ich bin vergnüt mit meinem Glücke (BWV 84)

Pour les plus impécunieux des incroyants, les moins attirés par l’hédonisme et pour les jemenfoustistes,  la moins mauvaise méthode est le hasard. On choisira sa chaîne hifi au hasard de ses pérégrinations, de ce que proposent les revendeurs, des annonces de sites comme 2main.be ou le bon coin ou encore de ce dont on dispose dans son grenier.  Un dé et un catalogue peuvent aussi faire l’affaire.
On veillera seulement à appliquer quelques précautions de base sur l’état du bras et de la cellule pour la platine –ce serait dommage d’abimer sa collection de vinyles – et les incompatibilités techniques comme une cellule MC sur un préamplificateur n’acceptant que les cellules MM ou ne disposant pas d’entrée phono du tout.

Soyons clair, Il n’y a aucune raison objective pour que cette méthode donne des résultats sonores inférieurs aux méthodes précédentes. Par contre, cette méthode peut engendrer chez certains esprits, une incertitude morale qui pourra ternir l’expérience de l’écoute musicale domestique. Certains esprits cartésiens vivent mal en effet de ne pas avoir de support méthodologique à leur choix.

Quelques repères :

  • Il nous semble inutile voire même contreproductif de donner des conseils dans ce chapitre.

4 : Ach Gott, wie manches Herzeleid ( BWV3)

En dernier recours, et si vraiment aucune autre solution n’est possible, que l’on soit d’un naturel sceptique, impécunieux ou quelque peu avare de dépenses somptuaires ou que l’on soit peu enclin à laisser le hasard décider de nos vies, on aura recours à la solution de la dernière chance : l’écoute.

Répétons-le : il s’agit de la plus mauvaise méthode pour choisir de la haute-fidélité. Elle est mortellement longue, désespérément fastidieuse et tellement pavée d’écueils méthodologiques que nous ne pouvons pas la recommander. Son application tournera à un interminable chemin de croix.

Maintenant, notre objectif étant d’aider le plus grand nombre, nous allons quand même donner quelques conseils pour audiophiles réfractaires aux trois méthodes de bon sens données plus haut. Les méthodes et outils utilisés pour tenter de réaliser des écoutes comparatives feront donc l’objet d’un prochain article.

(1) En terme de matériel haute-fidélité, quand un bête fusible vaut une centaine d’euros, le terme offrir est à utiliser avec prudence.

(2) On se souvient que ce même mot « ésotérique » et celui-là même qui était utilisé par l’inoubliable NRDS pour parler de la « vrai » haute-fidélité.

(3) C’est la principale qualité d’un transducteur audiophile. Il transforme la musique en entrée en Musique en sortie. Il n’a pas grand mérite, il existe le même fonction dans tout bon éditeur de texte.

(4) Auteur de L’œil écoute qui contrairement à une idée généralement répandue n’est pas un ouvrage scientifique consacré à l’influence de l’apparence des appareils audios sur l’illusion sonore qu’ils procurent.

4 réflexions sur “Choisir en haute-fidélité : Quatre recettes de bons mariages dont un enterrement

  1. Cher Tryphon,
    En cette matinée de redoux je tiens à vous remercier pour l’intelligence, la pertinence et l’influence indéniable que votre blog provoque sur le transfer intestinal dont j’ai joui à sa lecture trônant dans le plus modeste auditorium de mon refuge.
    Pour ajouter à l’exaustivité de votre propos je souhaiterai ajouter un repère:
    : Ich habe genug (BW 82)
    ° Indécrottable mélomane
    Pape: ….
    Marques: Mark Levinson (ante 1982), Cello, Quad, Electrocompaniet,YBA, Martin Logan (avec quelques rondeurs)
    Lieux de culte: Présence Audio Conseil (ante 2011)
    Livres sacrés: The Audio Critic, Bulletin AES

    N’y voyez nulle prétention, juste pour un humble serviteur de la reproduction sonore rendre hommage aux fidèles qui ont choisi de jouir et, pour les survivants, de perséverer hors des chemins tracés par la réclame promotionnelle.

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  2. Pingback: Choisir en haute-fidélité partie 2 : Believing is hearing | Tryphonblog

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