Les vertus du mercato : Pioneer HPM-100

Dans les années 70, les commentateurs se posent la question de la crédibilité des enceintes de marque japonaise. Elles auraient la réputation de ne pas convenir aux oreilles occidentales. Avec du recul, on peut penser que cette désaffection pour les enceintes nippones tient plus à la méconnaissance. En effet, à une époque où le prix du transport n’était pas aussi négligeable que de nos jours, le marché des enceintes, forcément encombrantes,  semble beaucoup plus local que celui des électroniques et les champions nationaux de l’acoustique que sont Acoustic Research et JBL aux USA, B&W et Celestion au Royaume—Uni ou encore en France Elipson et Cabasse défendent leur pré carré. Les grands constructeurs largement distribués, Akai, Matsushita, Sony, Pioneer et autres Trio sont plus des spécialistes de l’électronique que de l’acoustique et, on l’a vu avec Scott, l’électronicien n’est pas le mieux placé pour concurrencer les spécialistes locaux de chaque marché.

Dès le milieu des années 1970, ces grands constructeurs japonais qui dominent outrageusement le marché mondial ne peuvent cependant plus laisser le juteux segment des enceintes leur échapper. Pour beaucoup, la R&D est la voie à suivre et on va bientôt voir apparaitre des enceintes particulièrement novatrices chez les grandes marques. Parmi les réussites, on pourra citer Yamaha avec la NS-1000 et ses membranes en béryllium, ou encore Matsushita/Technics et son modèle SB-10 dont les membranes plates sont réalisées dans un nid d’abeille d’aluminium.

Pioneer également y va de son innovation avec les super tweeters HPM (High Polymer Molecular). Mais ce super tweeter qui ne retransmet que des fréquences à peine audibles n’est sans doute pas suffisant pour assurer le succès des enceintes de la marque. Les dirigeants de Pioneer vont alors imaginer une solution plus radicale : débaucher le joueur vedette d’une équipe concurrente, en l’occurrence Bart Locanthi, un ancien avant-centre de JBL.

On les comprend. JBL est alors un fabricant d’enceinte très respecté. L’image haute de gamme de JBL est portée par la domination de la série 43nn sur le marché des moniteurs de studio. La déclinaison grand public du moniteur 4310, la L-100 « century » est un énorme succès commercial pendant toute la décennie 1970 (1).

Or Bart Locanthi, l’un des principaux artisans de cette stratégie, a à son actif des réalisations telles que les lentilles acoustiques si caractéristiques des JBL, les haut-parleurs de la série LE et la fameuse 4310. Ami de longue date de Bill Thomas, il a quitté JBL peut après le rachat par Sidney Harman. Après quelques expériences chez d’autres fabricants de haut-parleur professionnel, Altec et Cetec Gauss, Bart Locanthi acceptera en 1975 la proposition de Takeo Yamamoto de devenir VP de Pioneer USA en charge du développement. Il y créera notamment la très respectée filiale «pro» Technical Audio Device (TAD) en utilisant les mêmes ingrédients qui ont fait le succès de JBL : haut-parleurs sans concessions, gros boomers, mediums et aigus à pavillon…

Mais à son arrivée chez Pioneer, Locanthi a une préoccupation plus immédiate: redresser le marché grand public et créer des produits aptes à marquer les esprits du consommateur.

Est-ce la facilité de reprendre des recettes connues ou un désir de revanche sur son employeur précédent ? Toujours est-il que le premier produit mis au point par Locanthi est le HPM-100. Le nom de l’engin décrit bien le programme. HPM car le nouvelle arrivant ne peut pas jeter à la poubelle ce qui existait avant et Locanthi reprend donc le super tweeter que Pioneer vient de mettre au point. 100 car l’objectif est clair, faire mieux qu’un autre modèle 100, celui de JBL.

La cible est claire, les trois leaders du marché US des enceintes acoustiques: JBL, Bose, Advent

La cible est claire, les trois leaders du marché US des enceintes acoustiques: JBL (L-100), Bose (901) et (Large) Advent. Le modèle présenté doit être une présérie : la disposition des potentiomètres et le médium ne sont pas ceux du modèle commercialisé.

La comparaison des caractéristiques est éloquente, la HPM-100 est une L-100 bodybuildée à laquelle on a ajouté le fameux tweeter HPM. Mais en tant que challenger son prix est sensiblement moins élevé.

 JBL L-100  Pioneer HPM-100
 Dimensions HxLxP
60*36*35
67*39*39
 Masse
20.8
26,7
 Filtre
1500Hz, 6000Hz
1200Hz*, 4000Hz, 12000Hz
 Haut-parleurs
12’’,5’’,1,5’’
12’’,4’’,1,5’’, HPM
 Charge
Bass-reflex
Bass-reflex
Prix (fin 76 en France)
3375 Frs
2600 Frs

* Par erreur, la fréquence de coupure basse est souvent noté 3000 Hz, y compris dans la mode d’emploi de l’enceinte qui est agrafé au dos.

Vu d’aujourd’hui, la HPM-100 est un drôle d’objet. Alors que les « grosses » enceintes sont de nos jours des objets allongés relativement étroits, la Pioneer est une grosse boite trapue – et lourde. Entre les quatre haut-parleurs dont le boomer de 30cm, les potentiomètres de réglage du niveau des médiums et aigus et l’évent, la façade est sérieusement encombrée. Elle ressemble fortement à une 4310 inversée avec le boomer en bas et les potentiomètres en haut. Petite bizarrerie, le bornier qui supporte le filtre, juste derrière ces potentiomètres, a subit lui aussi cette inversion et se retrouve donc vers le haut de l’enceinte…

Mais la qualité de réalisation est bien là, que ce soit pour les haut-parleurs avec leur saladier en aluminium, la rigidité du coffret, le placage, ou le cache avant.

La HPM-100 nécessite d’être posée sur un pied d’environ 20 à 30 cm, chose plutôt rare de nos jours

Le HPM-100 évoluera progressivement pour afficher des puissances admissible de plus en plus élevés, 50W d’abord, puis 100W sans modification, puis enfin 200W sur la version B. Sur cette dernière, le filtre serait légèrement différent et l’évent est cerclé d’un contour aluminium. Il semblerait que ces évolution soit purement marketing, la HPM-100 étant la partenaire naturelle des amplis-tuners SX1250 et des amplificateurs de la série SPEC, qui délivrent sensiblement plus que les 50W théorique de la première version. Une ultime version apparaitra en 1979 ; la HPM-110 dont l’unique et regrettable évolution sera le remplacement du placage en noyer par un triste vinyle anthracite.

La photo la plus connue de Bart Locanthi, où il pose avec la HPM-100

La photo la plus connue de Bart Locanthi, où il pose avec la HPM-100

Pour aller plus loin : On lira la notice nécrologique de Bart Locanthi dans le journal de l’AES.

(1) La L-100 « Century » marquera tellement les esprits que 40 ans après, JBL a repris le célèbre motif à petit carreau de la grille de la L-100 sur le dock « JBL Authentic L16 ».

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2 réflexions sur “Les vertus du mercato : Pioneer HPM-100

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