Beaucoup de choses ont été écrites, et beaucoup le seront encore y compris dans Tryphonblog, sur les grands noms de l’électronique haute-fidélité : Bob Carver, James Bongiorno, Bruce Waynewright, Nelson Pass, Dan d’Agostino… Mais il est d’autres acteurs, moins connus mais tout aussi influents dans l’histoire de la haute-fidélité. Notre chronique d’aujourd’hui sera consacrée à un personnage plus discret : Lawrence J Ellison.
Élevé par son oncle à Chicago, le jeune Larry développe très tôt une passion pour la musique. Au point que ses études pâtissent de tout le temps passé à enrichir sa collection de vinyles et à réaliser des montages haute-fidélité. Il finit même par quitter l’université de Chicago sans diplôme. Son intérêt pour la musique enregistrée le pousse à entrer chez Ampex, alors leader de l’enregistrement magnétique et éphémère maison de disques. Il déménage donc pour la Californie, à Redwood près de San Francisco, siège d’Ampex.
Malheureusement, Larry est affecté à la division lecteur de bandes pour l’informatique ce qui est fort loin de ses centres d’intérêt. Il en conçoit quelque amertume et passe de plus en plus de temps à son hobby hifiste. Il a cependant accès à la pointe de la technologie des moteurs et du contrôle de défilement, ce qui lui sera fort utile par la suite. C’est d’ailleurs à partir de pièces « empruntées » à son employeur qu’il crée dans son garage son premier tourne-disques. C’est une réussite, et poussé par des amis, il fait la tournée des magasins de hifi de San Francisco pour montrer son prototype de platine. Les retours sont tellement enthousiastes que Larry Ellison décide de quitter Ampex et de se lancer dans le grand bain en créant son entreprise. Par souci d’économie, il s’installe à un jet de pierre de Redwood, dans une vielle baraque de pêcheur d’une zone marécageuse appelé Redwood Shore. Féru par ailleurs de mythologie grecque, il appelle son entreprise Oracle et sa première platine Delphi, en référence à la Pythie, l’oracle du temple d’Apollon à Delphes (1). Petite astuce marketing, pour faire croire à l’acheteur qu’il achète une platine débarrassée de ses défauts de jeunesse, la platine sort directement en version mkII.
Le succès critique et commercial sera rapide et continu. Cela permettra à Larry d’enrichir sa collection de disques et de mener une vie simple mais confortable. Pendant ses rares temps libres il pourra même s’adonner à quelques loisirs modestes comme le nautisme dans la baie de San Francisco.
Mais revenons à l’Oracle Delphi. Les platines Oracle ont connu de nombreuses modifications depuis les origines (modèle AC) jusqu’à la version actuelle (Mk VI/2). Mais la Delphi repose sur quelques principes constants.
D’abord, à la façon de la Michell Gyrodeck, Oracle rejette la « boîte » traditionnelle au profit d’une base en acrylique qui supporte sans les masquer les organes mécaniques. La raison en serait la crainte des résonances que ces sortes de boîte peuvent occasionner.
La contre platine ensuite est une superbe pièce d’aluminium en forme de Y. Elle est suspendue sur trois larges tours contenant la suspension et suivant les versions le dispositif d’amortissement.
Enfin, Oracle fut le pionnier du palet presseur et cet accessoire fait partie intégrante de la platine.
Pour le reste, les différentes versions ont vu évoluer le moteur, d’abord synchrone, puis à courant continu puis de nouveau synchrone. La suspension ensuite a évolué à l’intérieur des tours pour incorporer en sus des ressorts hélicoïdaux (interchangeables pour s’adapter au différents bras) différents amortisseurs (sorbothane, silicone..). La matière du couvre plateau évoluera également au gré des versions. Cependant, ces évolutions n’affecteront pas le dessin général de la platine qui reste identifiable au premier coup d’œil,
Cet article ne saurait être complet sans mentionner une activité annexe de la société Oracle. Confronté à la difficulté de gestion de sa collection de vinyle maintenant conséquente, Larry Ellison crée un système de gestion de bases de données original et performant. S’agissant d’une activité annexe au regard de la production de platine tourne disque, ce logiciel n’aura pas de nom et s’appellera simplement Oracle. D’abord diffusé en « bundle » avec la platine Oracle, ce logiciel ne tardera pas à être vendu indépendamment, avec quelque succès. A l’avènement de la musique dématérialisée et des serveurs de musique, Oracle reprendra cette idée de bundle matériel/logiciel en 2008 sous le nom d’Exadata.
PS : On me signale qu’il n’y aurait en fait aucun rapport entre Oracle Corp. éditeur de logiciel et Oracle Audio Technologies entreprise québécoise qui fabrique la platine Delphi. J’avoue avoir de la peine à le croire. N’ayant pu vérifier cette assertion abracadabrantesque, Tryphonblog se doit par rigueur éditoriale de vous transmettre cette information sous toute réserve.
Cela ne nous empêche pas cependant de décerner à l’Oracle Delphi, à Larry Ellison mais également à Marcel et Jacques Riendeau la moustache de Pleksy-Gladz tant méritée.
Pour aller plus loin : le site d’Oracle Audio Technologies.
(1) On pourrait trouver de mauvais augure pour un appareil haute-fidélité de prendre pour égérie la pythie qui avait la réputation de livrer des oracles incompréhensibles. Delphi (Delphes dans la langue de Nikos Aliagas) n’est pas la seule allusion mythologique de la gamme Oracle. Une autre platine se nomme Paris en référence, non à la ville, mais à Pâris (Paris dans la langue de George Pelecanos) fils de Priam, pour sa capacité à discerner la beauté féminine.
Merci Tryphon de nous éclairer sur la génèse de ces deux réussites mondiales
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