Philips CD100

Voilà un article bien difficile à classer. En effet, il est question ici de rien de moins que du meilleur lecteur de Compact Disc du monde, du moins à sa sortie en 1983. Utilisant en outre une technologie de rupture, le codage numérique PCM, voilà qui mérite largement un classement dans les Moustaches de Pleksy-Gladz.

Mais certains argueront que cette supériorité est surtout acquise par manque de concurrence, le CD100 étant le premier lecteur de CD du marché européen. C’est donc sur la base du caractère historique du modèle que nous publions cet article dans la rubrique La Cave des frères Loiseau.

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Nous avons déjà abordé à propos d’un autre appareil de Philips, le Marantz CD7, quelques aspects de la technologie PCM sous-jacente au Compact Disc. Cette présentation du CD100 va plutôt être l’occasion de revenir à la genèse de ce format.

Les années 1970 sont des années d’expansion formidable pour les groupes d’électronique grand public. Passant du stade de PME à celui de multinationales, les grandes entreprises du secteur comme Matsushita, Sony, Philips  font preuve d’une créativité débridée. Ce qui n’est pas une garantie de succès comme le montrent les nombreux échecs rencontrés comme la quadriphonie, l’Elcaset… Parmi les histoires les plus marquantes, on retiendra la bataille des formats d’enregistrement video entre VHS et Betamax qui verra après quelques années de confusion la défaite de Sony, le promoteur du Betamax. Alors que les fabricants de hifi rivalisent de prototypes de lecteurs numériques dans les salons, Sony ne veut pas répéter la même erreur et décide en 1979 de s’allier à l’européen Philips pour développer le standard unique du futur.

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Rétrospectivement, on voit bien tous les bénéfices de cette alliance pour le succès du format. En effet d’un côté Philips apportait son expertise (et ses brevets !) dans le domaine du disque optique acquise sur le Videodisc et de l’autre Sony s’appuyait sur son expérience des formats numériques acquise sur le marché professionnel avec les adaptateurs PCM. Mais surtout, Philips actionnaire de Polygram et Sony via CBS pouvait assurer la disponibilité immédiate d’un catalogue de musique conséquent au lancement du nouveau  du format de disque.

D’août 1979 à Juin 1980 des groupes de travail communs sont réunis alternativement à Eindhoven et à Tokyo. Parmi les représentant de Philips, on notera la présence d’un encore jeune chercheur Kees Shouhammer Immink, dont la contribution va être fondamentale. Immink sera l’inventeur du codage de canal EFM (Eight to Fourteen Modulation) qui améliora grandement à la fois la capacité et la lisibilité des disques.

Si le format de base de la modulation PCM 16 bits/44,1 kHz provient de l’adaptateur PCM 1600 de Sony (1), le reste des caractéristiques, diamètre, largeur de piste, système de correction d’erreur, codage de canal et temps d’enregistrement proviennent bien des travaux commun de ces groupes de travail.

En Juin 1980, ces caractéristiques sont publiées dans le fameux « Red Book ». Les ingénieurs des deux groupes entrent alors en concurrence pour lancer des produits commercialisables à la date convenue du 1er novembre 1982. Malheureusement pour Philips, le développement sera plus ardu que prévu et le lancement sera différé à mars 1983, en Europe seulement, avec l’accord de Sony.

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Notre CD100 est le premier résultat pour Philips de tout ce travail. De l’expérience acquise sur le Videodisc, le CD100 hérite d’une mécanique de lecture de première qualité, la CDM1 dont la fiabilité reste incomparable. Des choix initiaux de Philips pour le 14 bits, il conserve le dac TDA1540. Mais les efforts pour l’adapter au format de 16 bits agréé avec Sony donnent l’occasion pour les ingénieurs de Philips de développer les techniques de Noise Shaping et de suréchantillonnage qui assureront la prééminence de Philips et de sa filiale Marantz sur l’audio digitale pendant plus de quinze ans.

Le CD100 était accompagné d'un coffret contenant le mode d'emploi, un livret explicatif sur la musique numérisé et un CD de démonstration.

Le CD100 était accompagné d’un coffret contenant le mode d’emploi, un livret explicatif sur la musique numérisée, un chiffon et un CD de démonstration.

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À l’usage, le Philips CD100 reste tout à fait actuel, au moins sur le plan sonore pour lequel la comparaison avec le lecteur en usage courant dans le petit salon de Moulinsart (un Teac DV50) ne lui fait pas honte. Par contre, ergonomiquement, on peut être surpris par les commandes sommaires (il n’y a pas de saut de plage arrière par exemple), la lenteur générale et bien sur l’absence de télécommande.

Pour aller plus loin : Kees Shouhammer Immink, dont le CV soit dit en passant fait honte à la plupart des soit disant vedettes de la scène audiophile, a publié un article passionnant sur la coopération entre Philips et Sony, « Beethoven, Shannon and the Compact Disc » ou on voit bien la complexité du développement de ce type de produits.

(1) Si les 16 bits résultent bien d’un choix de Sony contre la préférence de Philips pour 14 bits, 44,1 kHz résulte d’une contrainte liée au format d’enregistrement video  625 lignes/50 Hz des magnétoscopes U-matic utilisés comme support de stockage des masters avec les adaptateurs PCM 1600, 1610 et 1630 de Sony.

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