Pour une platine tourne-disques japonaise de la fin des années 1970, la question du mode d’entraînement ne se pose même pas : c’est forcément entraînement direct. Ce type d’entrainement est très décrié par les fabricants anglais car pour ces entreprises semi-artisanale – « cottage industry » dans la langue de Touraj Moghaddam – difficile à réaliser et à rentabiliser. La très indépendante, influente et pas du tout nationaliste presse anglo-saxonne leur emboite le pas dans ce domaine mais l’entraînement direct avait la faveur du reste du monde. Que ce soit en Suisse et en Allemagne (Studer, EMT, Dual, Goldmund) ou au Japon, les fabricants de hifi sont des grosse PME voir des multinationales qui disposent des ingénieurs et de réseau commerciaux suffisants et pour lesquelles la réalisation de platine à entraînement direct ne pose pas de problème insurmontable (1).
Bref, notre fort bourgeoise chaîne Pioneer de 1977 dispose d’une platine « direct drive ». Il s’agit de la PL-550, un quasi haut-de-gamme, surpassé uniquement par son équivalent semi-automatique PL-570 au catalogue de la marque (2). Très bien réalisée, elle propose les caractéristiques classiques des platines DD de cette époque : Suspension par pieds visco-élastiques, rotation régulée par quartz débrayable, stroboscope… Elle offre même des pieds réglables afin d’ajuster l’horizontalité, chose qu’on attend encore de voir sur la plupart des platines anglaises. D’autres petits détails sont révélateurs d’une ergonomie bien pensée, comme par exemple les supports pour le centreur et pour un second porte cellule.
Son vrai gros défaut n’est apparu qu’avec l’âge : la tristement fameuse finition laminée en faux bois de Pioneer qui a tendance à peler en vieillissant. Pour notre compte, la situation n’est pas encore trop grave et nous conserverons la finition d’origine. Si on peut voir sur internet de restaurations à base de bois massif ou de nouveau placage, on peut déplorer que l’on perde dans ce cas les marquages d’identification du modèle.
Pour fêter le retour à la surface de la PL-550, nous lui avons offert une cellule neuve : une splendide Micro-Seiki LM10 NOS issue des stocks secrets de Moulinsart.
L’utilisation de la Pioneer est un plaisir. La qualité de la réalisation est sensible dans la rigidité du châssis, l’ajustement du bras et l’interminable rotation du plateau à l’arrêt du moteur. L’écoute est en rapport à condition de ne pas oublier que les pieds visco-élastiques ne valent pas une contre platine suspendue quant à l’isolation des vibrations transmises par un plancher qui serait trop souple.
Avec cet article, nous achevons la description de la chaîne Pioneer typique de 1977. Achetée, en un lot courant 1977, cette chaîne a remarquablement traversée les quarante dernières années. Elle représentait un achat de plus de 20 000 Frs, soit une somme supérieure à un an du salaire minimum de l’époque.
(1) Jusqu’à ce que la recherche d’économie ne conduise à produire des produits médiocres et que finalement la chute du marché après l’introduction du CD ne sape définitivement la production de platine à entraînement direct.
(2) La très « Exclusive » P3 ne sortira que pour le millésime 1978 tout comme la PLC-590.