God Save The Moustache

À la recherche de la platine moustachue – 1ère partie.

On nous pose souvent la question : Quelle fut la platine tourne-disques britannique la plus emblématique et la plus influente de la fin du 20e siècle ? C’est une excellente question car le dernier quart du 20e siècle fut en effet, une période majeure dans l’histoire de la lecture des disques vinyle. Au moment où la transmission par galet devient (bien à tort) obsolète et où Garrard se transforme en l’ombre de lui-même, on assiste outre-manche à une floraison de modèles qui portent bien haut l’étendard de la lutte contre l’entrainement direct japonais d’abord, puis contre le disque compact et mènent au renouveau du vinyle au tournant des années 2000.

L’évocation de ce sujet en conférence de rédaction de Tryphonblog est l’occasion de débats houleux :

« Il ne peut y en avoir qu’une » affirme péremptoire Archibald  «  c’est la Simon Yorke ». Et il est vrai qu’il est bien difficile de le contredire, pas uniquement en raison de son tempérament colérique mais surtout parce que les platines de Simon Yorke sont réellement d’une conception et d’une réalisation superlatives. Mais on peut penser que les œuvres de Simon (au sens propre car il travaille seul), de par leur diffusion confidentielle, sont assez loin de l’idée que l’on se fait d’un porte-drapeau.

«  C’est la Kuzma Stabi » hurle le colonel Sponsz, porté par un élan nationaliste bien naturel. Il faut déployer un trésor  de diplomatie pour lui faire comprendre qu’une platine d’Europe de l’est peut difficilement prétendre représenter la fine fleur de la technologie de sa gracieuse Majesté.

Après avoir calmé les esprits, reprenons le débat sur des bases moins polémiques, à défaut d’être plus objectives.

Commençons par statuer sur les cas les plus faciles. L’idée d’intégrer le pied dans la platine semble être très pertinente dans la maîtrise des vibrations.  À l’orée des années 90 on en trouve deux exemples. Malgré son joli nom, la platine de Nene Valley Audio tient plus du gag que de la réalisation audiophile.  Son idée est que le support de bras et l’axe sont solidaires de la plinthe, du pied, et donc du sol alors que le moteur est lui même suspendu, à l’inverse de toutes les autres platines. Son succès critique fut mitigé, c’est un euphémisme, et sa diffusion fut d’ailleurs des plus réduites.
Guère plus répandue, la platine Oxford Crystal Reference doit à son design élégant et à son prix stratosphérique – quatre fois celui d’une Linn – d’avoir fait la une de nombreux magazines. Mais il faut bien dire que le concept du pied intégré ne trouva pas son public et l’idée fut longtemps oubliée. Diffusion médiocre, parcours météoritique, ce n’est pas là que nous allons trouver notre vainqueur.

La platine NVA

La platine NVA

Oxford Crystal Reference

Oxford Crystal Reference

Faible diffusion et parcours commercial fugace ne sont pas des reproches que l’on peut faire à la Rega Planar. Produite en grande série depuis près de quarante ans la Planar 3 est à la fois originale et minimaliste. Originale par l’utilisation d’un plateau en verre, elle est minimaliste par sa suspension : il n’y en a pas.  Pour le reste, transmission par courroie, moteur synchrone, rien que du standard de bon aloi. Mais la Rega fut peu copiée, sans doute parce que la rigueur de son design et sa simplicité laissent peu de place à des concurrents pour faire mieux ou moins cher.

Chaque platine du quatuor suivant se distingue par des caractéristiques originales qui en font  tout l’attrait.

On trouve dans cette catégorie  l’Alphason Sonata. Le qualificatif platine suspendue n’a jamais été aussi bien porté que par cette platine. En effet, elle a l’originalité d’avoir les ressorts de sa suspension qui travaillent en extension. Trois tours posées sur la plinthe supportent trois ressorts hélicoïdaux auxquels la contre-platine est suspendue. Cette disposition présente l’avantage de permettre le réglage par le dessus, la platine étant en configuration de fonctionnement. Petit inconvénient, ces trois tours sont sérieusement encombrantes. À Tryphonblog, chacun se souvient encore des jurons d’Archibald, et on sait qu’il en possède une riche collection, lorsque son exemplaire chéri de Jazz  at the Pawnshop  heurta violemment une des dites tours à la mise en place du disque. À la décharge de l’Alphason Sonata, il faut bien admettre que cette écoute faisait suite à la dégustation approfondie d’un Port Ellen Hunter Laing bottled de 1978, par ailleurs remarquable.  Cet incident suffit à disqualifier l’Alphason. Ce principe de suspension n’est toutefois pas totalement abandonné et se retrouve par exemple chez SME. Ah, autre petite originalité, la Sonata dispose de deux moteurs (synchrones bien sûr).

Alphason Sonata et bras HR-100s

Alphason Sonata et bras HR-100s

Tant qu’à avoir plusieurs moteurs, pourquoi pas trois ? C’est ce que propose The Voyd. Pourquoi plusieurs moteurs ? Pour équilibrer les forces et ne pas stresser la suspension diront les concepteurs. Avec le risque de rapprocher dangereusement le moteur (enfin l’un d’entre eux) de la cellule phonolectrice, élément qu’on peut penser par principe assez sensible aux forces électromagnétiques (c’est  son principe même de fonctionnement). Au moins par rapport à l’Alphason Sonata, le design de la plinthe est plus simple et moins dangereux. Ce design est même globalement plutôt réussi, en partie grâce au plateau en acrylique (Ce n’est pas une première, nous y reviendrons). Malgré ses grandes qualités et son esthétique, la Voyd n’eut guère de descendance. Il faut dire que plateau en place, l’argument des trois moteurs est fort peu visible.  À propos de mise en place du plateau, avec cette courroie triangulaire il s’agit d’une tâche délicate.  Une anecdote me revient où Archibald… enfin bon passons.

Platine The Voyd

Platine The Voyd

La transmission de The Voyd

La transmission de The Voyd

beurkVisible, l’originalité de la Townshend Rock l’est. Le concept développé par Max Townshend repose sur l’amortissement dynamique du bras de lecture. Pour ce faire, à l’extrémité du bras, proche de la cellule, on trouve une petite palette immergée dans du silicone liquide. Ce silicone se trouve dans un petit réservoir en forme d’arc de cercle qui aura été positionné par l’utilisateur au-dessus du disque. Évidemment, le fait de devoir enlever et remettre ce réservoir à l’écoute de chaque face est un peu fastidieux. Par ailleurs, la propension du silicone à migrer fait qu’on a vite fait d’en retrouver partout et on se doit de disposer d’une réserve de ce liquide pour remplir le réservoir. Cela me rappelle d’ailleurs qu’un soir d’écoute comparative tardive entre différents pressages de We get Request d’Oscar Peterson, Archibald confondit la réserve de silicone liquide avec une bouteille de grappa Libera Da Ponte 18 ans d’âge.  Cet épisode fâcheux semble avoir sonné le glas des chances de la platine Townshend dans notre recherche de la platine britannique ultime.

Townshend Rock Reference

Townshend Rock Reference

Si il est un concurrent sérieux dans ce groupe pour le titre de platine emblématique, c’est bien la Roksan Xerxes. Mono moteur synchrone, ce n’est pas là qui faut rechercher l’originalité du concept. Pour mieux comprendre cette originalité, il faut examiner le principe fondateur établi par un des créateurs de Roksan, Touraj Moghaddam. L’idée est que sur une contre-platine conventionnelle suspendue en trois points, des rotations parasites de la contre-platine par rapport au moteur peuvent engendrer des infimes écarts de vitesse dommageables à l’écoute. Pour contrer cette tendance, Moghaddam imagine une suspension à base de silent-bloc de compliance extrêmement faible et dotée du seul degré de liberté vertical.  Il en résulte une platine à l’aspect monobloc en bois fort séduisant. Tout au plus peut-on remarquer dans le MDF de la contre-platine une découpe  autour du bras censée réduire la transmission des vibrations depuis l’axe de rotation. Toujours dans l’idée de découplage de ces vibrations de l’axe, on trouve l’autre point original de la Roksan : la partie supérieure de l’axe est amovible. Elle ne sert qu’au centrage du disque sur le plateau et doit être retirée pour l’écoute. À ce propos je me rappelle que pour préparer un réveillon, Archibald avait organisé une écoute comparative verticale pour différents millésimes des concerts du nouvel an de Vienne associés aux Bollinger Grande Année correspondants. Après écoute jusqu’au bout de chaque bouteille et dégustation de chaque face d’une dizaine de millésimes,  Archibald ne retrouva pas le bitoniau de la Xerxes. Dans l’impossibilité de mettre en place un nouveau disque, la platine Xerxes de Tryphonblog est donc restée avec  la face A du concert dirigé par Seiji Ozawa, alors même que le magnum  de Bollinger Grande Année 2002 est fini depuis longtemps.  À la soixante quatrième écoute de la Chauve Souris, il fut décidé collectivement d’exclure la Roksan Xerxes de notre recherche.

La pureté du design de la Roksan

La pureté du design de la Roksan
Il ne faut pas laissé le centreur là. Mais où le mettre ?

Il ne faut pas laisser le centreur là. Mais où le mettre ?

Notre podium se dessine maintenant. C’est ce que nous verrons dans le second article de cette série. En attendant vous pouvez, dans vos commentaires, nous donner votre podium personnel.

3 réflexions sur “God Save The Moustache

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